Du papier au silicium : gérer la santé en entreprise dans un monde digitalisé

Le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) conduit à une dématérialisation croissante des processus de travail et à une flexibilisation des structures organisationnelles. Le travail à distance et l’impossibilité de se rencontrer induits par la pandémie de coronavirus ont encore renforcé et accéléré ce mouvement. En 2018, plus de la moitié des employeurs suisses estimaient avoir entamé un processus de transformation digitale, voire atteint un niveau avancé. A partir du printemps 2020, le recours au télétravail a obligé un nombre important d’entreprises à réinventer leurs façons de fonctionner et à développer les compétences de leur personnel.

Selon la façon dont la digitalisation est mise en œuvre, les effets sur la santé peuvent s’avérer plus ou moins positifs. En collaboration avec Promotion Santé Suisse et ses partenaires, nous avons relevé trois thèmes prioritaires à cet égard : la charge mentale, les frontières entre vie professionnelle et vie privée, ainsi que les relations interpersonnelles dans les équipes de travail.  

En facilitant l’accès à l’information, les TIC constituent des ressources précieuses pour réaliser son travail, échanger entre collègues et acquérir de nouvelles compétences. Cependant, lorsque le flux est trop conséquent, elles deviennent un facteur d’intensification du travail et d’hypersollicitation. Stress, fatigue et activation cognitive permanente en sont les conséquences. La peur de manquer une information importante peut même, dans certains cas, entraîner un rapport obsessionnel et pathologique aux outils de communication.

La flexibilité offerte par le télétravail permet aux individus d’adapter leur organisation personnelle, selon leurs besoins professionnels, personnels et familiaux. Cependant, la possibilité de travailler en tout temps et en tous lieux rend plus diffuse la séparation entre les sphères privée et professionnelle. Le mélange des genres a des conséquences sur la récupération, ainsi que sur la vie sociale et familiale.

Grâce aux technologies digitales, les entreprises peuvent concevoir des organisations virtuelles (telles que des équipes de projets), réunissant des collègues situés en des lieux éloignés et apportant des compétences diversifiées. Toutefois, l’absence de contact physique, le manque de dimension sociale et les obstacles à la communication non-verbale peuvent affaiblir la solidarité collective et accentuer le vécu d’isolement.

On le voit : la digitalisation offre des ressources pour le développement des individus, tout en présentant également des risques. Plus que les outils eux-mêmes, ce sont surtout les conditions de leur développement, de leur implémentation et de leur utilisation qui comptent. En ce sens, il n’y a pas de déterminisme technologique.

Dans ce contexte, de nouveaux champs s’ouvrent à la gestion de la santé en entreprise. Nous formulons quatre recommandations, à savoir :

• Intégrer la dimension santé dans les projets de digitalisation, en y associant les utilisateurs et utilisatrices et en prenant en compte leurs besoins dès le début ;
• Développer les compétences techniques, sociales et d’adaptation du personnel ;
• Développer les compétences de communication et d’encadrement à distance des responsables de conduite ;
• Mettre en place des politiques et des pratiques de déconnexion, pour garantir le respect des temps de repos et la récupération.

En conclusion, la transformation digitale permet d’augmenter la productivité du travail et offre des possibilités nouvelles pour le développement du personnel. Cependant, elle nécessite une démarche réfléchie et concertée, afin de répondre à la fois aux besoins de l’entreprise et aux attentes de ses collaboratrices et collaborateurs en matière de santé, de satisfaction et de sens du travail. Nous espérons que ce blog vous donnera des pistes utiles pour conduire vos projets de digitalisation!